Et si l’intelligence artificielle, présumée neutre, était en réalité profondément biaisée ? N’oublions pas. Derrière la création d’un algorithme, il y a toujours des décisions humaines. Et trop souvent, ces décisions perpétuent des stéréotypes sexistes, racistes ou âgistes.
Autrement dit, l’IA n’est pas un miroir objectif du monde, mais un reflet de nos propres angles morts. Et quand ces biais se glissent dans le code, ce sont des décisions injustes, voire discriminatoires, qui en ressortent.
Le biais de stéréotype : quand l’IA renforce les clichés
Ce biais apparaît quand l’IA associe certains groupes à des rôles ou comportements stéréotypés, sans nuance. En clair, lorsqu’elle ne fait pas la différence entre une tendance observée et un préjugé.
Exemples concrets :
- Un outil de traduction traduit systématiquement « doctor » par « médecin » (masculin) et « nurse » par « infirmière » (féminin).
- Des IA de tri de candidatures défavorisent les prénoms rares ou atypiques.
Ces biais sont problématiques, puisqu’ils renforcent les stéréotypes discriminatoires dans l’imaginaire collectif. Si l’IA ne les invente pas, elle leur donne un vernis d’objectivité en les reproduisant à grande échelle.
Le biais de genre : quand l’IA perpétue les inégalités hommes-femmes.
Le biais de genre apparaît lorsque l’IA associe certaines qualités ou compétences à des genres biologiques. Résultat : elle renforce les stéréotypes existants, au lieu de les neutraliser.
Exemples concrets :
- Un outil de recrutement écarte les CV de femmes pour des postes tech. Ces candidatures se distinguaient des nombreux profils masculins des données d’entraînement.
- Des assistants vocaux paramétrés par défaut avec des voix féminines suggèrent une association implicite entre certaines tâches et des représentations genrées.
Ce biais algorithmique reproduit des inégalités sociales au lieu de les corriger. Il peut donc affecter l’accès à l’emploi de certaines populations, la représentation des femmes ou renforcer des stéréotypes dans l’imaginaire collectif. En légitimant ces écarts, l’IA participe à les rendre invisibles… donc acceptables.
Le biais d’homogénéité de l’exogroupe : voir les autres comme un seul bloc
Ce biais se produit quand un système d’IA a du mal à distinguer les personnes appartenant à des groupes sous-représentés dans les données. L’algorithme les perçoit alors comme étant plus “homogènes” et les traite de manière stéréotypée.
Exemples concrets :
- Les logiciels de reconnaissance faciale commettent plus d’erreurs avec les visages non-blancs.
- Une IA de ciblage publicitaire propose les mêmes annonces à toutes les personnes perçues comme faisant partie d’un même groupe culturel, sans tenir compte de leurs préférences individuelles.
Il faut être particulièrement attentif face au biais d’homogénéité, car il réduit la capacité de l’IA à reconnaître et traiter équitablement la diversité. Il peut affecter les décisions dans des moments clés. Cela inclut l’embauche, les contrôles de sécurité et le système judiciaire.
Le biais de représentativité : une vision incomplète du réel
Le biais de représentativité se produit lorsque les données utilisées ne couvrent pas toute la diversité des situations ou des profils. L’algorithme apprend alors à partir d’une base de données partielle. L’IA produira donc des réponses qui ne s’appliqueront qu’à une portion limitée de la population.
Contrairement au biais d’homogénéité, qui concerne la difficulté à différencier les individus d’un groupe perçu comme “extérieur”, le biais de représentativité est lié à l’absence ou au sous-échantillonnage de certains groupes dans les données. L’IA ne les confond pas : elle ne les “connaît” tout simplement pas.
Exemples concrets :
- Une IA de santé formée avec des données cliniques d’hommes ne prend pas en compte les symptômes d’autres groupes biologiques.
- Une application de navigation pour les trajets en voiture peut donner des itinéraires qui ne conviennent pas aux cyclistes ou aux personnes handicapées.
Le biais de représentativité est critique car il exclut des publics entiers des réponses ou des services de l’IA. En ne tenant pas compte de la diversité réelle des usages, l’algorithme produit des résultats inadaptés pour ceux qui ne rentrent pas dans le modèle dominant.
Le biais de confirmation : l’IA qui renforce ce qu’elle “croit” déjà
Ce biais se manifeste lorsque l’IA accorde plus de poids aux informations qui vont dans le sens des hypothèses déjà présentes dans ses données, au détriment des signaux nouveaux, divergents ou contradictoires.
Plutôt que d’explorer toutes les pistes possibles, l’algorithme renforce les schémas dominants qu’il a appris, même s’ils sont incomplets ou biaisés.
Exemples concrets :
- Un moteur de recommandation suggère souvent les mêmes types de contenus. Cela arrive parce qu’il se concentre sur ce que les utilisateurs « semblables » ont apprécié auparavant.
- Un système de scoring de clients, basé sur l’historique des bons payeurs, peut exclure les profils atypiques, même s’ils sont solvables.
Avec le biais de confirmation, l’IA se fige dans des logiques auto-validantes. Elle ne remet pas en question ce qu’elle croit vrai, ce qui limite les alternatives et entretient les injustices.
Le biais d’âge : l’oublié des discriminations algorithmiques
Le biais d’âge survient lorsque l’IA traite différemment les individus en fonction de leur âge, souvent en se basant sur des stéréotypes implicites liés à la jeunesse ou à la vieillesse.
Si l’on parle peu de l’âgisme, c’est pourtant la seule discrimination que nous sommes tous susceptibles de subir un jour.
Exemples concrets :
- Une IA d’assistance en ligne oriente automatiquement les utilisateurs seniors vers des contenus simplifiés, considérant à tort qu’ils ne maîtrisent pas les outils numériques.
- Une application bancaire restreint certaines fonctionnalités pour les clients ayant dépassé un certain âge, sans justification technique, par simple « précaution ».
Conséquence ? L’IA écarte des personnes sur la seule base de leur âge, sans tenir compte de leur autonomie effective ou de leurs compétences.
Le biais intersectionnel : quand plusieurs discriminations se combinent
Le biais intersectionnel se produit quand l’IA analyse chaque critère d’identité séparément. Elle ignore alors comment le genre, l’origine, la classe sociale et l’orientation sexuelle interagissent ensemble. Ce biais occulte les discriminations spécifiques vécues par celles et ceux qui se situent à l’intersection de plusieurs catégories marginalisées.
Exemples concrets :
- Une IA de tri de candidatures valorise les profils divers, mais elle invisibilise ceux qui ont plusieurs critères minoritaires. Par exemple, une femme racisée et en situation de handicap.
- Un outil d’analyse émotionnelle en visioconférence interprète à tort les expressions faciales d’une adolescente autiste et aveugle comme de l’agressivité, car il ne reconnaît pas ses codes émotionnels spécifiques.
En réduisant les profils à une seule dimension, l’IA passe à côté des réalités les plus complexes et les plus marginalisées. Le biais intersectionnel aggrave l’invisibilisation de personnes déjà sous-représentées. Dans la société comme dans les bases de données.
L’analyse de ces biais algorithmiques démontre que l’IA n’est ni neutre ni objective. Elle applique, sans filtre, ce qu’on lui transmet — et cette transmission de connaissances inclut nos partis pris et nos préjugés.
C’est pourquoi il est essentiel d’être attentif lorsqu’on rédige un texte assisté par une IA. L’apparente objectivité d’un résultat généré masque parfois des biais profonds, intégrés à l’insu de tous.
Certaines pistes permettent déjà de limiter ces risques : diversifier les jeux de données, intégrer des mécanismes d’audit éthique, impliquer des équipes pluridisciplinaires ou encore tester les modèles sur des cas réels variés.
En attendant, gardons en tête que la vigilance humaine reste notre meilleur filtre face à une IA encore loin d’être impartiale.